De Xavier Falières

Ce nouveau syndrome serait en train d’exploser en nombre de cas et fait l’objet d’articles dans la presse courante et la presse scientifique. Nous allons essayer d’y voir plus clair.

Un an après le début de la pandémie, ce nouveau syndrome ou une nouvelle maladie est en train de devenir réalité.

Six mois après leur maladie, de nombreuses personnes continuent de présenter des symptômes. Alors qu’au début de la pandémie, les symptômes persistants étaient principalement décrits après des formes moyennes ou graves de Covid, parmi lesquelles 2,5 % des symptômes perduraient plus de 28 jours, force est de constater que neuf d’entre eux sur dix n’étaient jamais hospitalisés.

La conclusion est que, contrairement à ce qu’on a pensé au début, le COVID long ne touche pas spécifiquement les personnes qui ont fait des formes graves mais peut toucher tous les patients, qu’ils aient été hospitalisés ou pas. Ainsi, un certain nombre de personnes jeunes qui sont restées à la maison et qui ont été prises en charge en ambulatoire présentent des symptômes persistants.

La littérature montre qu’entre 10% et 35% des patients atteints de COVID-19 ont encore des symptômes après 3 à 8 semaines qui correspondent à cette description du COVID long.

C’est aussi ce qui ressort d’un questionnaire distribué par les réseaux sociaux aux Pays-Bas et en Belgique.

La définition même de cette maladie est encore difficile à établir parce que les symptômes fluctuent dans le temps et ne sont pas toujours typiques.

Le temps entre la période aiguë et l’apparition des symptômes ainsi que la durée de ces symptômes doivent être encore définis.

Il y a donc actuellement un gigantesque travail de recherche pour essayer d’en comprendre les mécanismes et d’établir des protocoles de prise en charge.

Une étude très intéressante à ce propos, multicentrique va bientôt démarrer aux Pays-Bas :

https://covidparamedischonderzoek.nl/

Le COVID long est-il une complication inattendue ?

Pas vraiment. Un syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) peut également entrainer une telle complication. Il n’est donc pas incompréhensible que le terme de fatigue post-virale ou de syndrome de fatigue post-virale soit utilisé. Ce même tableau se produit également dans les infections non virales, comme par exemple la borreliose, la maladie de Lyme, le paludisme, après une blessure ou une intervention chirurgicale, une chimiothérapie, des lésions nerveuses périphériques et l’infarctus du myocarde. Au fil du temps, différents noms ont été utilisés : fatigue post-virale, syndrome de fatigue post-virale, syndrome post-infectieux, syndrome inflammatoire systémique, neuro-inflammation exagérée, réaction inadaptée à la maladie (maladaptive sickness response), etc…

Quels mécanismes pouvons-nous soupçonner ?

L’hypothèse d’une réaction inadaptée à la maladie (maladaptive sickness response), est le premier mécanisme possible. Il implique que le mécanisme de récupération après une maladie, un trauma, une opération, ne s’adapte plus au processus de guérison. Les changements de comportement peuvent donc devenir beaucoup plus handicapants et plus durables. Divers problèmes cognitifs remplacent alors les problèmes de mémoire, la dépression remplace la morosité et l’épuisement ou la fatigue l’inactivité.

Les principaux symptômes associés à une réponse inadaptée à la maladie peuvent être résumés comme suit :

1. La fatigue avec sensation d’épuisement : on observe une réduction des capacités d’activités soutenues, qu’elles soient physiques, cognitives ou psychologiques dans de plus grandes proportions que l’épuisement qu’il est courant d’observer après toute perte de condition due à une maladie. De plus, un abaissement de la limite de charge tolérable se caractérise par le fait qu’en dépassant celle-ci (consciemment ou inconsciemment), les plaintes se multiplient. Ces plaintes supplémentaires peuvent survenir avec un décalage en heures ou en jours après cette dite surcharge. Plus cette surcharge devient fréquente, plus les limites de tolérance s’abaissent.

2. Les symptômes cognitifs : problèmes de concentration, de mémoire, de vue d’ensemble, de doubles tâches, de calcul mental, de recherche de mots (entre autres).

En ce qui concerne les plaintes somatiques comme par exemple : des troubles respiratoires comme un essoufflement, des troubles du sommeil, de la fatigue, une impression de brouillard cérébral, des maux de tête, une perte du goût, de l’odorat, des troubles dépressifs, des troubles cardiaques.

Souvent, aucune anomalie réelle n’est retrouvée qui pourrait expliquer les symptômes.

Un deuxième mécanisme possible est envisageable, par lequel, en partie sur la base d’une mémoire centrale de la douleur et de la mémoire immunitaire, il existerait une sensibilisation croisée entre douleur et immunité.

L’activation, par exemple d’une réaction immunitaire, par le biais de cette sensibilisation croisée pourrait évoquer une expérience de douleur spécifique à un symptôme qui peut lui être liée (via la mémoire de la douleur), dans des conditions antérieures qui n’existent plus.

« I learnt that in convalescence after a severe assault, the body goes into protect mode, so if it isn’t getting space to recover, it shuts you down by bringing an embodied memory of the illness ».

Paul Garnier, Covid-19 at 14 weeks—phantom speed cameras, unknown limits, and harsh penalties.

Les problèmes psychologiques liés à la COVID-19.

Les problèmes psychologiques comprennent, par exemple, la peur d’une mauvaise évolution de la maladie, la honte d’avoir contracté la maladie, la frustration due aux possibles handicaps qui pourraient en résulter. Avec le COVID long, on craint souvent des handicaps et des signes de sévérité auxquels le système de santé réagit souvent avec incompréhension. Des problèmes psychologiques peuvent survenir dans le cadre du syndrome post-réanimation : anxiété, dépression, trouble de stress post-traumatique. Les dommages causés par le coronavirus au cerveau peuvent présenter une image psychiatrique. La morosité et la dépression avec le COVID long peuvent survenir, non seulement en réponse à une vie perturbée, mais également à la suite de processus de perturbations neuro-immunitaires au niveau du cerveau. Le manque de reconnaissance du syndrome et de son l’impact peut entraîner un stress sévère et des sentiments de solitude et d’exclusion.

Tous ces tableaux cliniques ne sont pas sans rappeler le syndrome de fatigue chronique.

Différences et similitudes entre COVID long et syndrome de fatigue chronique.

En ce qui concerne le syndrome de fatigue chronique, pour une indication diagnostique, il semble nécessaire :

  • d’identifier les patients qui répondent à la description et aux critères du rapport « Beyond Myalgic Encephalomyelitis – Chronic Fatigue Syndrome. Redefining an Illness», de la National Academy of Medicine (NAM), anciennement Institute of Medicine, (IoM). Beyond Myalgic Encephalomyelitis/Chronic Fatigue Syndrome. Redefining an illness. 2015. Washington DC. The National Academies Press.
  • de s’assurer qu’un facteur déclenchant peut être identifié tel que décrit par l’auteur et que le syndrome de fatigue chronique n’est pas associé à une infection, car cette comparaison entre le COVID long et le syndrome de fatigue chronique porte sur le contraste avec ou sans infection.

Évolution de la maladie.

Il existe différentes hypothèses sur la durée et la gravité du COVID long. Ces hypothèses sont contradictoires.

https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0240784
https://www.bmj.com/content/bmj/371/bmj.m3981.full.pdf

Certains facteurs jouent-ils un rôle d’entretien du syndrome, comme dans le cas du syndrome de fatigue chronique ?

Voici quatre catégories de facteurs qui entretiennent le syndrome de fatigue chronique :

1. La méconnaissance de la maladie et du traitement peut conduire à des choix contre-productifs qui entravent le rétablissement.

 2. Un manque d’adhésion aux règles du jeu de la récupération : acceptation et ne pas lutter contre les symptômes ; interrompre à temps une activité quand celle-ci ne peut pas être accomplie dans sa totalité ; maintenir l’effort (physique, mental, émotionnel) en dessous d’une certaine limite.

3. Émotions (négatives et / ou non traitées), pulsions (menant à la marche sur la pointe des pieds) et stress (en raison des circonstances, de la méthode d’adaptation, du trouble).

 4. Trop de concentration sur les sensations corporelles et / ou catastrophes.

Dijk v AJ. ME/CVS: argumenten voor een optimistische benadering. TBV. 2018 June; 26(6): 274.

Il y a des indications que ces facteurs pourraient effectivement jouer un rôle dans le COVID long :

     a) La présence de « sickness response » (réaction à la maladie) dans le syndrome de fatigue chronique et le COVID long,

     b) De nombreux patients rapportent qu’une partie de la reprise des symptômes est liée à une surcharge physique et / ou mentale,

     c) Certains patients rapportent une reprise des symptômes de COVID long en raison du stress.

D’autres mécanismes que le syndrome de fatigue chronique sont-ils envisageables ? En plus de la « sickness response » (réaction à la maladie), des perturbations immunologiques à la réaction inflammatoire pourraient également jouer un rôle.

Comment savoir si une personne présente un Covid long ?

La France a déjà bien avancé dans les définitions et les cadres du syndrome.

La Haute Autorité de Santé (HAS) a précisé le 12 février 2021 les 3 critères qui permettent de repérer les patients souffrant de symptômes prolongés de la Covid-19.

Ils doivent :

  • Avoir présenté une forme symptomatique de Covid-19,
  • Avoir présenté un ou plusieurs symptômes initiaux, 4 semaines après le début de la maladie,
  • Et aucun de ces symptômes ne peut être expliqué par un autre diagnostic.

On parle de « Covid long » quand les symptômes perdurent au bout d’un mois.

Il semble actuellement assez clair que la persistance de symptômes après avoir été contaminé par la Covid-19 n’est pas toujours un Covid long ou un syndrome post-Covid. D’autres diagnostics sont possibles.

Étant confrontés à un diagnostic d’élimination, il sera nécessaire que les médecins examinant les patients vérifient :

  • Qu’il n’y avait pas une maladie préexistante inconnue révélée avec l’infection Covid. Il se peut que l’infection virale ait été révélatrice d’une maladie préexistante restée silencieuse auparavant. Un exemple est l’apparition d’une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) chez un fumeur qui continue à tousser après une infection virale qui a été dans ce cas révélatrice et non pas la cause.
  • Qu’il ne s’agit pas d’une complication de la Covid. Ce n’est plus le virus en lui-même mais une complication de la Covid qui occasionne de nouveaux symptômes ou une aggravation des symptômes. Par exemple, si quelqu’un a brutalement une douleur qui survient, une oppression thoracique ou un essoufflement qui n’existait pas.
  • Qu’il ne s’agit pas de séquelles de la Covid, notamment respiratoires.

Les traitements : que faire ?

Face à des symptômes qui perdurent, il faut aller voir son médecin traitant pour en parler. Il pourra faire l’anamnèse de l’épisode initial et évaluer l’état de santé du patient au moment de la consultation. Le médecin traitant pourra faire un premier examen et orienter si nécessaire vers des spécialistes. Concernant les traitements, ils dépendent des symptômes.

Comme nous l’avons dit précédemment, des soins paramédicaux primaires, comprenant la diététique, l’ergothérapie, la kinésithérapie, l’orthophonie et / ou la thérapie par l’exercice, peuvent contribuer au rétablissement.

  • Contre la fatigue : « Il n’y a pas grand-chose à faire en dehors d’une bonne hygiène de vie c’est-à-dire : manger équilibré, éviter les boissons alcoolisées, respecter les horaires de sommeil… »
  • Contre les essoufflements : il faut d’abord, bien sûr, éliminer une complication pulmonaire de la Covid et envisager la possibilité d’être en présence d’un déconditionnement à l’effort : moins on bouge, plus le muscle va s’atrophier et va réclamer plus d’oxygène à la reprise de l’activité physique avec un aggravement de l’essoufflement.  Il faut réapprendre au muscle à travailler. Mais il ne faut pas reprendre une activité brutalement. D’où l’importance de la kinésithérapeute qui, avec quelques séances, pourra mettre en place une reprise d’activité progressive et adaptée en fonction de l’essoufflement.
  • Contre l’hyperventilation : certaines personnes souffrent d’hyperventilation à la suite d’une infection Covid en particulier dès qu’elles font un effort. Elles ont la sensation d’être essoufflées donc respirent plus vite ce qui est inadapté par rapport à l’effort demandé. Il est important de consulter pour être sûr que cette hyperventilation n’est pas liée à autre chose comme une pneumonie ou des séquelles respiratoires par exemple comme dans le cadre des essoufflements cités ci-dessus. Quand aucune cause n’est trouvée, qu’il ne s’agit que d’hyperventilation il faut voir un kinésithérapeute pour réapprendre à respirer tranquillement ou envisager un accompagnement psychothérapeutique.
  • Contre un trouble de l’odorat ou du goût : il n’y a hélas pas de traitement à ce jour. Ils reviendront progressivement. Il est possible de faire une rééducation olfactive.
  • Un accompagnement psychologique : En dehors des symptômes concrets que présentent certaines personnes après le Covid, il y a aussi l’impact psychologique de la Covid-19. Une prise en charge psychologique, fondée sur la thérapie cognitivo-comportementale (TCC), et si nécessaire psychiatrique, peut s’avérer utile. L’angoisse peut entraîner un mal-être pour certains. Le vécu diffère selon les individus et peut entrainer une symptomatologie accrue alors qu’en temps normal, la personne n’aurait rien remarquer de significatif. Un bilan normal n’est pas forcément synonyme d’absence de symptômes. Il est important de rechercher également chez ces patients un syndrome de stress post-traumatique. Avoir fait une infection Covid et avoir été hospitalisé, surtout en réanimation, peut avoir été vécu comme un traumatisme.
  • Il n’y a pas de recommandations spéciales concernant les régimes alimentaires, les vitamines et suppléments en vente libre. Il n’existe pas davantage de recommandations concernant les approches de médecine alternative (acupuncture, auriculothérapie, ostéopathie…), qui n’ont pas été évaluées dans ce contexte.

Conclusion : le mieux, même quand on est jeune et en bonne santé, c’est quand même de se protéger et d’essayer de ne pas être contaminé en attendant d’être vacciné. Comme nous l’avons dit maintes fois, ce n’est pas qu’une question de vie ou de mort mais principalement de complications pouvant laisser des handicaps pour des durées indéterminées.

Moderateurs : Julia Drylewicz, Adrien Melquiond, Marion Hadvil et Stéphane Duquesne

Relecture : Maryse Imbault

Littérature utilisée :

https://www.mumc.nl/actueel/nieuws/maanden-na-ic-opname-nog-longschade-zichtbaar-bij-covid-patienten
https://link.springer.com/article/10.1007/s12498-020-1322-x
https://www.sciencefocus.com/news/long-covid-cases-could-be-as-high-as-20-per-cent/
https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmed.2020.606824/full?s=03
https://sante.journaldesfemmes.fr/fiches-maladies/2696267-covid-long-c-est-quoi-symptomes-contagieux-fatigue-prise-en-charge-france-traitement/
https://www.nature.com/articles/s41591-021-01292-y
https://www.ad.nl/binnenland/tienduizenden-jonge-gezonde-mensen-gesloopt-door-corona-ik-neem-afscheid-van-wie-ik-was~a588bc90/?referrer=https%3A%2F%2Fwww.google.co.uk%2F
https://www.has-sante.fr/jcms/p_3237041/fr/symptomes-prolonges-suite-a-une-covid-19-de-l-adulte-diagnostic-et-prise-en-charge
https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A14678