Chers vous tous,

Voici le bulletin de la semaine 9, qui après une courte introduction et point de la semaine, sera consacré aux vaccins russes et chinois, par Stéphane Duquesne.

  1. Introduction et point de la semaine.

Les semaines passent et cela fera bientôt un an que ces bulletins hebdomadaires sont publiés.

Nous voudrions rappeler quelques points importants :

  • Nous ne prétendons aucunement avoir l’exclusivité de la connaissance.
  • Nous essayons de centraliser et de diffuser une information juste, vérifiée et impartiale.
  • Nous laissons à chacun l’initiative de participer aux bulletins et de poster des informations.
  • Nous vous demandons aussi de bien vouloir veiller à vérifier vos propres sources lorsque vous publiez.
  • Nous sommes un groupe de personnes de tous horizons avec chacun ses convictions quelles qu’elles soient. Notre point commun est d’être dans la même galère Covid. Les publications dans notre groupe ne peuvent être consacrées qu’à ce large sujet sous tous ces aspects divers et variés.
  • Nous ne voulons pas servir de plateforme politique à des buts de campagne électorale et nous voulons rester neutres.
  • Tous les mouvements associatifs sont les bienvenus pour publier du moment que le sujet tourne autour de la pandémie actuelle.
  • Nous ne nous référons qu’aux cadres, définitions et législation des Pays-Bas, pays où nous vivons. Nous nous efforçons de traduire le plus possible tout ce qui peut être nécessaire à ceux qui ne maîtrisent pas la langue néerlandaise.

Ceci étant dit, un petit aperçu des derniers chiffres : ils ne sont ni bons ni mauvais. Il y a une augmentation du nombre de nouvelles contaminations (23% sur les 2 dernières semaines), mais une stabilité du nombre d’hospitalisations et du taux d’occupation des réanimations depuis ces 2 mêmes semaines. Les hôpitaux travaillent à flux tendu et la situation est toujours critique même s’il y a de l’espace pour essayer de rattraper le retard accumulé dans les soins programmés.

Le point alarmant est le profil des patients hospitalisés en réanimation : plus jeunes, moins obèses avec moins de comorbidités que pendant la première vague. Le côté encourageant est la baisse de la mortalité en réanimation qui n’est plus que de 15%.

Un point positif est l’absence de surmortalité depuis la semaine 5, ce qui signifie que la Covid-19 n’a pas entraîné plus de décès comparé aux années précédentes pour la même période. Ce paramètre doit être analysé régulièrement. Il est un bon indicateur de la « surveillance syndromique ». De manière générale, la notion de « surveillance syndromique » désigne tous les dispositifs systématiques de surveillance en temps réel (ou « quasi-réel ») de la morbidité et/ou de la mortalité, associés à un système d’information épidémiologique.

La semaine dernière, nous avons parlé de l’agitation politico-juridique autour du couvre-feu. Pour rappel, la Fondation Viruswaarheid (Vérité sur le virus) avait déposé une requête en référé concernant la mesure de couvre-feu. Selon le juge des référés, le couvre-feu représentant une violation flagrante du droit à la liberté de circulation et de la vie privée, il avait ordonné la levée immédiate de celui-ci. La base du jugement était que la loi utilisée par l’État, – Wet buitengewone bevoegdheden burgerlijk gezag (Wbbbg) – « loi sur les pouvoirs extraordinaires de l’autorité civile » ne pouvait être utilisée dans le cas présent car ne présentant pas un caractère d’urgence absolue. L’État avait fait appel de la décision. Un autre juge avait directement ordonné son maintien jusqu’à la décision en appel de la Cour. D’un autre côté une loi d’urgence votée par le Sénat (Eerste kamer) et la Chambre des députés (Tweede kamer), imposait le couvre-feu.

Hier, vendredi 26 février, la Cour, en appel, a donné raison à l’État d’avoir utilisé la loi Wbbbg, confirmant l’urgence de la décision d’imposer le couvre-feu et déboutant ainsi la Fondation Viruswaarheid.

  • Serait-il temps de faire confiance aux vaccins chinois et russes ?

Mi-novembre 2020, notre bulletin de la semaine 47 concernait la course aux vaccins. Trois mois plus tard, nombre de ces vaccins que nous avions sélectionnés dans notre article, sont déjà sur le marché…dont les vaccins chinois et russes. Nous allons nous intéresser à ces deux derniers.

Longtemps décriés par les pays occidentaux comme peu sûrs par manque de données ou d’informations, ces vaccins russes et chinois sont maintenant distribués dans plusieurs pays, dont la Hongrie. Il se pourrait que Spoutnik V soit fabriqué et distribué en France… Qu’en est-il de leur efficacité ?

Pour commencer, ils protègent eux aussi et peuvent contribuer à combler les pénuries partout où il y a un manque de vaccins. Alors que les pays les plus riches sont confrontés à une pénurie de vaccins Covid-19, certains des plus pauvres s’inquiètent de ne pas pouvoir se faire vacciner du tout. Pourtant, une solution à ces deux problèmes se cache peut-être à la vue de tous : des vaccins en provenance de Chine et de Russie, et bientôt, peut-être, de l’Inde.

Les vaccins chinois et russes ont d’abord été rejetés par les pays occidentaux et d’autres médias mondiaux, en partie parce qu’ils étaient perçus comme inférieurs aux vaccins produits par Moderna, Pfizer-BioNtech ou Astra Zeneca. Et cette perception semblait découler en partie du fait que la Chine et la Russie sont des États autoritaires et peu transparents.

Mais depuis un certain temps, les preuves de bon fonctionnement des vaccins de ces pays s’accumulent. La principale revue médicale, The Lancet a publié il y a trois semaines les résultats provisoires d’essais en phase finale montrant que Spoutnik V, le vaccin russe, avait un taux d’efficacité de 91,6 %.

https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(21)00234-8/fulltext

Ces résultats ont confirmé ceux publiés à la mi-décembre par les développeurs du vaccin, le Centre Gamaleya et le Fonds d’investissement direct russe.

Les Émirats arabes unis, le Bahreïn, l’Égypte, la Jordanie, l’Irak, la Serbie, le Maroc, la Hongrie et le Pakistan ont approuvé le vaccin Sinopharm de Chine ; à la mi-janvier, 1,8 million de personnes aux Émirats arabes unis l’avaient reçu. La Bolivie, l’Indonésie, la Turquie, le Brésil et le Chili ont approuvé et commencé à déployer un autre vaccin chinois, provenant de Sinovac. Spoutnik V sera distribué dans plus d’une douzaine de pays en Europe, au Moyen-Orient, en Afrique et en Amérique latine.

Lorsque ces pays ont examiné ces vaccins, ils ont pris des décisions en connaissance de cause, sur la base des preuves de sécurité et d’efficacité fournies par les fabricants chinois et russes – dont une grande partie a également été publiée dans des revues scientifiques à comité de lecture comme The Lancet et le JAMA – ou après avoir mené leurs propres essais indépendants. Supposer le contraire, c’est mettre en doute la capacité ou l’intégrité de ces gouvernements, dont certains ont des systèmes de réglementation sanitaire comparables à ceux des États-Unis ou de l’Europe.

Face à une pénurie importante de vaccins et à des retards de livraison, la France, l’Espagne et l’Allemagne commencent maintenant à parler d’une éventuelle commande de vaccins chinois et russes. Il semble que le semi-désespoir les ait finalement poussés à dénoncer les « préjugés » contre les vaccins non occidentaux.

Mais le scepticisme persiste. On soupçonne le vaccin russe en Iran, les vaccins chinois au Pakistan, et les deux au Kenya et en Afrique du Sud. Un récent sondage a demandé à 19 000 personnes dans 17 pays s’ils avaient une opinion « plus positive ou plus négative » sur les vaccins développés dans tel ou tel de ces pays : La Russie, la Chine et l’Inde sont les pays les moins bien classés (à l’exception de l’Iran).

Dans une certaine mesure, cela est compréhensible. Les campagnes de propagande de la Chine et de la Russie vantant leurs vaccins respectifs n’ont fait qu’accroître la méfiance, surtout à l’étranger.

La Chine et la Russie ont également commencé à inoculer certains de leurs citoyens l’année dernière sans que les essais cliniques de phase tardive, ou de phase III, n’aient donné de résultats sur l’efficacité du vaccin. Les vaccins Pfizer-BioNTech et Moderna ont été approuvés aux États-Unis après les résultats provisoires des essais de la phase III. L’Inde a récemment fait de même avec le Covaxin, un vaccin développé par Bharat Biotech, qui a provoqué une fureur nationale.

Les trois gouvernements ont défendu ces actions comme des mesures d’urgence nécessaires pour accélérer la production et la distribution des vaccins. Cette explication peut sembler inadéquate à certains, mais il est légal de le faire, et les régulateurs occidentaux font également des économies pour la même raison (mais avec plus de transparence).

Et maintenant, on dispose de données importantes sur la fiabilité des vaccins chinois et russes. Il est encore trop tôt pour se prononcer sur le Covaxin. Les résultats d’essais menés aux Émirats arabes unis début décembre ont établi l’efficacité du vaccin Sinopharm à 86 % ; d’autres, en Chine, à 79 %.

Une note, aussi, sur la signification réelle de ces chiffres censés mesurer l’efficacité des vaccins. La confusion entre l’efficacité théorique et l’efficacité réelle a créé des doutes sur les vaccins – bien que certains d’entre eux soient plus efficaces que d’autres.

Prenons le cas de Sinovac et des résultats apparemment contradictoires concernant ses performances : 91 % d’efficacité lors des essais en Turquie, 65 % en Indonésie et 50,4 % au Brésil. Ce dernier résultat a rapidement fait la une des journaux internationaux, même si les chercheurs de l’Institut Butantan, le centre de l’État de São Paulo qui a mené ces essais, ont souligné en même temps que le vaccin avait obtenu un taux d’efficacité de 78 % dans la prévention des cas légers à graves de Covid-19.

Ricardo Palacios, le directeur médical de la recherche clinique à l’Institut Butantan, fin janvier, a dit que les essais avaient été délibérément conçus comme un « test de stress ». Ils ont été menés exclusivement parmi « les travailleurs de la santé qui s’occupent directement des patients du Covid-19 », a-t-il déclaré. Les essais des vaccins Pfizer-BioNTech et Moderna ont inclus certains travailleurs de la santé et d’autres personnes à haut risque, mais pas seulement. Et lorsque l’on étudie un groupe de sujets beaucoup plus exposés à l’infection, il est probable qu’un vaccin semble moins performant. Les essais de l’Institut Butantan ont également défini ce qui compte comme un symptôme de Covid-19 de manière beaucoup plus large que les autres essais.

Les protocoles des essais varient, en d’autres termes, également pour un même vaccin. Compte tenu de cela, imaginez maintenant les différences potentielles entre les résultats des essais pour divers vaccins – des différences qui peuvent en révéler autant sur la conception des essais que sur les performances des vaccins.

Il ne fait aucun doute que davantage d’informations sur les vaccins chinois et russes doivent être communiquées au public, mais il en va de même, dans une certaine mesure, pour les principaux vaccins occidentaux. Tous les détails ou les données brutes des essais des vaccins Pfizer-BioNTech et Moderna n’ont pas été mis à la disposition des chercheurs.

Le fait est qu’aucun vaccin Covid-19 n’a été développé ou mis sur le marché de manière aussi transparente qu’il aurait dû l’être. Et si la Chine et la Russie ont peut-être plus « bâclé » leur développement que certaines entreprises occidentales, cela ne signifie pas nécessairement que leurs vaccins soient de mauvaise qualité.

Les preuves de plus en plus nombreuses montrant que les vaccins chinois et russes sont fiables doivent être prises au sérieux, et rapidement, surtout si l’on considère les problèmes d’approvisionnement dans le monde entier.

La plupart des vaccins produits en Occident ont déjà été achetés par les pays riches. Selon la People’s Vaccine Alliance (une coalition d’organisations qui réclament un accès plus large et plus équitable aux vaccins dans le monde entier), début décembre, tous les vaccins de Moderna et 96 % de ceux de Pfizer-BioNTech était déjà réservés.

Gavi, la Vaccine Alliance a réservé certains vaccins occidentaux. Mais d’après les données d’approvisionnement, elle estimait cette semaine pouvoir expédier, au cours du premier trimestre de cette année, seulement entre 110 et 122 millions de doses d’Astra Zeneca et seulement 1,2 million de doses de Pfizer-BioNTech – pour l’ensemble des 145 pays qui ont signé avec Gavi pour obtenir des vaccins Covid-19.

De plus, la plupart des grandes sociétés pharmaceutiques occidentales ont résisté à l’octroi de licences pour leurs vaccins à des fabricants non occidentaux, et plusieurs pays riches bloquent une proposition de l’Inde et de l’Afrique du Sud visant à ce que l’Organisation mondiale du commerce suspende temporairement certaines protections de la propriété intellectuelle pour les vaccins et traitements liés au Covid-19.

D’autre part, selon une analyse des données fournies par la société Airfinity, Sinovac a déjà signé des accords pour exporter cette année plus de 350 millions de doses de son vaccin vers 12 pays, Sinopharm environ 194 millions de doses vers 11 pays, Spoutnik V environ 400 millions de doses vers 17 pays. Ces trois fabricants ont déclaré publiquement qu’ils auront la capacité de produire jusqu’à 1 milliard de doses chacun au cours de l’année 2021. Et tous trois ont concédé leurs vaccins sous licence à des fabricants locaux dans plusieurs pays.

Alors comment rendre ces vaccins accessibles à un plus grand nombre de personnes qui en ont besoin ? L’un des moyens serait de les soumettre à une évaluation formelle par une organisation internationale disposant d’une expertise technique. Le problème actuel est que les règles de l’Organisation Mondiale de la Santé pour la certification des vaccins sont elles-mêmes biaisées en faveur des États riches, essentiellement occidentaux.

L’OMS tient une liste d’« autorités réglementaires strictes » auxquelles elle fait confiance pour le contrôle de la qualité – toutes sont situés dans des pays européens auxquels s’ajoutent l’Australie, le Canada, le Japon et les États-Unis. Pour le reste du monde, l’OMS gère un service appelé « pré-qualification ». En théorie, c’est un moyen de mettre les vaccins provenant, par exemple, de Chine ou de Russie sur un pied d’égalité avec les vaccins provenant de l’Occident. En réalité, c’est un processus onéreux et long.

Lorsqu’un vaccin est développé et approuvé par un pays figurant sur la liste de confiance de l’Organisation mondiale de la santé, celle-ci se fie généralement à cette évaluation pour donner rapidement son aval. Mais lorsqu’un fabricant de vaccins d’un autre pays demande à être présélectionné, l’OMS procède à une évaluation complète en partant de zéro, y compris une inspection physique des installations de fabrication.

L’OMS a approuvé le vaccin Pfizer-BioNTech fin 2020, moins de deux mois après que les fabricants ont demandé à être pris en considération, et il devrait prendre une décision sur les vaccins Moderna et Astra Zeneca ce mois-ci. Les vaccins chinois et russes sont toujours en attente, même si les processus d’examen de ces derniers ont été lancés plus tôt.

Au cours de l’examen du vaccin Pfizer-BioNTech, l’OMS a travaillé en étroite collaboration avec l’Agence européenne des médicaments, et l’a approuvé environ 10 jours après l’AEM. Il n’y a aucune raison pour que l’OMS, tout en maintenant ses normes, ne puisse pas également collaborer avec les organismes de réglementation sanitaire d’autres pays pour aider les fabricants locaux de vaccins à passer le processus de contrôle. Elle doit de toute urgence accorder à tous les pays producteurs de vaccins l’attention qu’ils méritent.

Certains médecins et militants ont avancé des propositions visant à accroître la diffusion dans le monde entier des vaccins produits en Occident. Ces appels sont bien intentionnés, mais ils partent eux aussi du principe que les vaccins des pays occidentaux sont les seuls qui valent la peine d’être disponibles – et d’être attendus.

Il existe une solution plus simple, qui est déjà à portée de main : Il est temps de commencer à faire confiance aux vaccins des autres pays. La valeur sociétale des vaccins COVID-19 sûrs et efficaces est énorme. Ces vaccins russes et chinois (voire Inde) signifieront un énorme espoir pour les individus du monde entier qui n’ont pas accès aux vaccins occidentaux, s’ils peuvent se faire vacciner à temps. Cet objectif exige que les vaccins soient abordables et disponibles, ils le sont, et que les gouvernements disposent des capacités administratives et politiques nécessaires pour les administrer au niveau local. Les caractéristiques distinctes de ces vaccins Covid-19 dans chacune de ces dimensions génèrent des compromis, ce qui signifie qu’à l’échelle mondiale et nationale, la disponibilité d’ensembles diversifiés d’options vaccinales sera probablement nécessaire pour maîtriser la pandémie mondiale.

« Le peu que l’on sait, parfois est plus actif et fécond que le beaucoup. »

Ego striptor, Cahiers I, Paul Valéry.

Bonne semaine à tous.

Toute l’équipe.