Je m’appelle Julie, j’ai 30 ans, je ne suis pas une littéraire et cela se verra surement dans ce récit. Je vais vous raconter mon histoire, celle qui m’a amenée à Amsterdam en janvier 2019, ville dans laquelle j’essaie, comme vous, de survivre à cette crise sanitaire unique.

Cette histoire commence il y a presque 10 ans en Bretagne. Souffrant de graves problèmes de dos et malgré des séances de kiné, des infiltrations, et hospitalisations, sans amélioration et sans aucune causes connues malgré les nombreux tests effectués, j’ai dû arrêter mes études, la douleur étant trop intense. Pendant cette année sans études universitaires, la cause de mes douleurs a été découverte : je suis hyperlaxe (mes articulations sont trop souples et instables) ! J’ai toujours été très active et je faisais beaucoup de sport, mais ça c’était avant, avant la fac. Sans quasi aucune cette activité physique mes articulations instables me provoquait des douleurs intenses. Pendant cette année de pause dans mes études, j’ai passé une diplôme d’anglais (Cambridge Certificate) et j’ai aussi repris le sport (merci au médecin de famille qui à signer les certificats médicaux malgré mes problèmes de dos car je cite « c’est bon pour ton moral, un bon moral aide toujours quand on est dans la douleur ! »). La reprise du sport a permis d’améliorer mes douleurs et j’ai réalisé un rêve d’enfant : commencer la danse classique à plus de 20 ans, en hivers 2011. Et là vous vous demander surement, on est encore bien loin d’Amsterdam ? Et oui mais sans cet étape cruciale, je ne serais pas aujourd’hui à Amsterdam, même si tout ça remonte à loin. 

Automne 2012, me voilà de retour à l’université, je finis mon Master en biologie (Physiologie) et démarre en 2016 mon doctorat en Biologie. Me voilà à étudier les effets du sports et de la nutrition chez des sujets diabétiques.  En 2ème année de doctorat, la danse classique (démarrée en 2011) était devenue ma nouvelle passion, grâce à elle j’ai amélioré mes problème de dos, je m’étais assez améliorer pour commencer la danse au conservatoire, d’abord 1 fois par semaine (en complément de mes autres leçons dans les écoles locales), puis dans le programme complet 5 fois par semaine (avec les ados aussi). Pour être toute à fait franche, la danse c’était ma façon de garder un contact social hors du contexte académique, mais c’était aussi mon échappatoire pendant ces années galères à réaliser mes expériences scientifiques, rédiger ces articles scientifiques et thèse aux corrections sans fin (pour une pauvre virgule !!), aux heures supplémentaires non rémunérées (« autrement dit l’exploitation du doctorant). 5 fois par semaine pendant 2h pas de réflexion académique demandée, juste de la belle musique (merci le pianiste en direct !) et tellement de coordination physique que le cerveau n’a pas de place dans son processeur interne pour penser boulot, ou autre pensée noire quelle qu’elle soit  !  

Qui dit activité physique (bien que classifiée comme un art la danse classique est bel et bien une activité physique), dit aussi blessures ! J’ai eu des soucis de cheville au cours de mon parcours (lié à mon hyperlaxité), c’est là que j’ai découvert le Pilates. Un de mes professeurs de danse me l’avait suggérer et je ne connaissais pas du tout, j’ai dû faire pas mal de recherches pour trouver un professeur au niveau local.  En plus de me maintenir en forme pendant que ma cheville se remettait de ces différentes blessures, le Pilates a soulagé mon dos bien plus que tous ce que j’ai pu faire kiné (ne sachant pas gérer l’hyperlaxité de mes articulations) et danse incluse. Bref une recherche et quelques euros bien dépensés, la pratique du Pilates était alors devenu la aussi un rituel mais la d’importance cruciale pour mes douleurs articulaires.

Avançons à l’été 2015, ce sont mes premières vacances en solo (payées grâce à mes heures d’enseignement à l’université), mes plus belles vacances (si bien que c’est depuis devenu un rituel annuel obligatoire !) : un stage de danse classique pour adultes…en Finlande, une semaine sans internet entourée d’autres adultes passionnés (et pas uniquement des adolescents), souvent eux aussi ici du monde académique. J’y ai rencontré de nombreux amis venant de toute l’Europe, on a ri, on a pleuré, on a eu des ampoules aux pieds, on a fait des peintures (parfois de la mauvaise personne ! Et on a ri encore plus). Une semaine sans travail, entourée de personnes qui me comprennent, à faire ce que j’aime. Un bonheur, à en pleurer dans l’avion qui me ramenait en France mais à en garder de chaleureux souvenirs, qui me donnait le sourire bien plus longtemps que les antidépresseurs !

Rendons-nous maintenant quelques années plus tard, nous voici au printemps 2018. Après avoir eu mon doctorat en Biologie et Sciences du Sports dans une université Française puis 2 ans de recherches d’emploi infructueuses et plus que frustrantes, à envoyer CV sur CV sans succès, à l’horizon seuls quelques mois d’emploi précaire (au chômage partiel) à enseigner dans des écoles privées hors contrat pour un salaire de misère. Cette décision de passer mon doctorat je l’ai regrettée amèrement toutes ces années (je la regrette encore mais beaucoup moins de nos jours). Après presque 2 ans au chômage, la dépression était vraiment au rendez-vous « je ne vaux rien » « j’ai tout raté dans ma vie »  et autres variations tournaient en boucle dans ma tête.  A cette époque je n’avais pas plus les moyens financiers d’aller passer une semaine de Vacances en Finlande.

A ce moment précis, nous sommes toujours bien loin d’Amsterdam et le chemin est long, mais je vous promets, tout est lié, on y arrive très bientôt ! J’ai de la chance d’avoir une famille qui m’a soutenue (et me soutient encore), et comme tous les ans arrive le moment ou mes parents me pose l’éternel question : « Que veux-tu pour ton anniversaire ? » Pour la première fois en 15 ans, je leur ai fourni une réponse matérielle (car bonheur et un emploi c’est pas pratique comme cadeau !) : mes billets d‘avion pour le stage en Finlande. Ma mère a souri instantanément, et a répondu un version de ce qui suit : « ça ! Ce n’est pas ton anniversaire, c’était prévu. Quand tu reviens tu es heureuse pendant presque 1 mois, on ne te voit jamais  comme ça. Tu iras en vacances c’est pour ta santé mentale. ».  J’ai fondu en larme (tout comme je le fais en écrivant ces lignes). Quelques mois plus tard, arrive ce fameux stage de danse, nous passons nos soirées à faire des « art & craft » pour le ballet que l’on produit. Après ces étés passés ensemble nous sommes un groupe de bons amis, cet été-là nous avons beaucoup discuté, notamment de la situation dans laquelle je me trouvais. Je n’étais pas aussi joyeuse et enthousiaste que les années précédentes, et ce n’est pas passé inaperçu. Cet été-là et précisément cette dernière semaine de juillet 2018,  j’ai pris la décision de changé de vie ! J’ai décidé de changer de carrière pour devenir professeur de Pilates. Je suis scientifique, j’ai travaillée sur les effets du sport, j’ai enseigné à l’université mais aussi au niveau lycée professionnel, je fais du Pilates pour mon dos depuis des années, j’adore aider les gens (trop parfois !) et le monde du Pilates est énormément lié au monde de la danse classique : une combinaison parfaite pour intégrer tout cela dans une nouvelle carrière professionnelle épanouie. Ça n’a pas été facile mais c’est probablement la plus belle décision que j’ai prise dans ma vie.

La certification pour devenir professeurs de Pilates est couteuse et  n’est pas disponible en Bretagne. C’est une méthode très particulière permettant le renforcement musculaire mais aussi travaillant la coordination et l’articulation de notre corps, permettant à la fois de stabiliser de façon fonctionnelle les articulations et de réduire de nombreuses douleurs articulaires et musculaires. Après de longues recherches, il s’est avéré que j’avais le choix entre déménager à l’autre bout de la France (sans n’y connaitre personne) ou bien à l’étranger. Vous vous rappelez de ces amis rencontrés en Finlande, il s’est avéré que mes meilleures amies sont hollandaises et vivent sur ou autour d’Amsterdam. La décision fut donc prise : Amsterdam ce sera. Me voilà à auditionner pour un programme de certification en Pilates, j’y ai été accepté en Octobre 2018.

Le programme commençait en février 2019. J’ai donc déménagé en Janvier 2019 sur Amsterdam, après 8 mois d’études intensives pratique des exercices,  pratique de l’enseignement, apprentissage sur les différentes machines (que je ne connaissais que de nom, car en Bretagne aucune n’était disponible à l’époque) mais aussi de théorie et d’anatomie (aussi bien squelettique que celle du système nerveux, c’est une des rares occasions pour laquelle mon doctorat a été utile !) : me voici professeur certifié de Pilates.

Devenue Freelancer dûment inscrite au KVK, commence la recherche d’emploi, à glaner des heures par ci par là. Le début est long, mais doucement les heures de travail augmentent, et pour la première fois en bien longtemps, je me sens utile mais aussi je n’ai plus l’impression d’être un poids ni pour mes parents (bien que sans leur soutien rien de tout cela n’aurait été possible) ni pour la société. A cela : j’adore mon travail, et mes clients voient déjà la différence avec le travail que l’n fait ensemble. De plus enseigner à un public intéressé par le sujet que vous enseignez ça change tout ! En 2 mois j’avais de quoi payer mes dépenses actuelles sans prendre dans mes maigres économies. En décembre, j’ai mis mes premiers euros sur mon compte épargne ! Je ne me doutais pas que dans quelques mois la situation serait bien différente. Tout allant pour le mieux, je décide démanger dans un meilleur appartement plus cher bien évidemment (enfin surtout sans colocataire étrange qui pense que l’appartement est truffé de caméra que la police à mis la pour l’observer ! Ça fait peur mais ce fût ma réalité pour plus de 6 mois).

Mes heures de travail augmentent toujours (youpi !) jusqu’à ce jour fatidique mi-mars où tout s’est soudainement arrêté. Tout ferme, plus de boulot, plus d’entrer d’argent et un loyer pas donné du tout ! C’est la panique à bord, les pleurs dans la salle de bain au téléphone avec maman (que je n’appelle que rarement, car j’ai une certaine phobie du téléphone !). Doucement, un des studios pour lesquels je travaille rouvre pour des cours en ligne. Malheureusement la plupart de mes clients veulent travailler sur les machines, ces fameux reformer et ne sont pas intéresser par nos cours en ligne. Me voilà à travailler 6h/ semaine, une maigre fraction de mes horaires habituelles, avec bien évidement une maigre fraction du salaire associé, on est bien, bien loin de couvrir mon loyer. L’état néerlandais met enfin en place une aide pour les freelancers qui ont perdu leur revenu : le tozo, j’y applique sans hésiter.

Pour passer le temps, je me lance dans divers projets que j’avais à terminer sur ma machine à coudre et reprends le piano (enfin la version électrique, après un hiatus de 20 ans). La pratique de la danse classique de salon est aussi devenue une pratique quasi quotidiennement (il faut bien rester en forme) entre mes heures éparses d’enseignement. En plus de mes quelques heures au seul studio pour lesquels je travaille et qui propose des cours en ligne, j’ai commencé une page facebook pour promouvoir et dispenser des cours de Pilates au grand public et d’une technique associée le « Progressing » ballet technique principalement adaptée aux danseurs classiques amateurs. Malheureusement le succès n’est pas vraiment au rendez-vous : 2h de cours en groupe (grâce à mes amis danseurs amateurs) et quelques heures de cours particulier par zoom. Cela aide tout de même (aussi mentalement, voir des visages familiers et entendre leur voix, ça fait aussi plaisir !), cependant le loyer n’est pas encore couvert.  C’est à ce moment-là que je regrette mon manque d’intérêt pour l’informatique et les réseaux sociaux….  

Fin avril, mes heures de travail sont toujours aussi limités, et me voilà à devoir un annuler, pour cause de pandémie, mon grand projet de l’année sur lequel j’ai travaillé depuis l’automne : un stage de danse classique pour adultes, en Bretagne en juillet 2020. A cela s’ajoute l’absence de nouvelle de la mairie sur mon dossier, cela fait presque un mois et mon loyer est dû sous peu. Me voilà à paniquer, si bien que les pensées noires et sombres me reprennes, j’ai pleuré tellement cette semaine-là, à me demander comment j’allais pouvoir survivre à tout ça. Avec l’aide ma super colocataire actuelle, d’une psychologue (ça n’a pas été facile de demander de l’aide, mais je ne le regrette pas, en ces temps difficiles, n’hésitez pas vous non plus, ça aide vraiment) et enfin l’aide financière de la mairie me voilà aujourd’hui à me sentir OK. 

Mon travail ne reprendra pas son activité complète avant Septembre, l’aide de la mairie s’arrête fin juin. Certes je suis inquiète, mais j’espère que doucement mon activité d’enseignement virtuel va doucement progresser d’ici là me permettant de rester ici ! Bien que dans une situation compliquée suite à cette crise sanitaire, je ne me suis jamais sentie aussi acceptée et bien dans ma peau qu’ici, à Amsterdam, pendant ces 18 derniers mois (je le promets ce n’est pas lié aux herbes vendues légalement dans ce pays, mes amis me disent que c’est inacceptable mais  je n’y ai jamais touchée et ça me va très bien comme cela) !!! La décision de déménager ici et de changer de carrière je ne la regrette pas malgré ces temps difficile. Aider les gens à se sentir mieux et en équilibre dans leurs mouvements c’est ma nouvelle vie, j’adore mon métier, même si ce n’est que quelques heures par semaine. Je ne changerai cela pour rien au monde ! Un changement de carrière ce n’est pas facile, on perd tout son réseau et ses repères, mais dans mon cas, ça reste ma meilleure décision (à ce jour). J’espère pouvoir y rester ici aussi longtemps que possible.

Ce fut bien long mais comme promis, après un long voyage depuis la Bretagne, en passant par la Finlande, nous voici rendu à Amsterdam !

Lien facebook au cas où vous souhaiteriez booker votre séance de Pilates:  https://www.facebook.com/JuliePilatesPBT/

Bien à vous, Julie Dupas