Voici le bulletin de la semaine 16 de l’année 2021 du groupe covid sur facebook pour les français et francophones .

Après l’introduction et le point de la semaine par Julia Drylewicz et Xavier Falières, Adrien Melquiond traitera de l’importance de la susceptibilité animale au SARS-Cov2.

Pour en faciliter la lecture nous vous proposons ce bulletin comme toujours en format PDF.

  1. Introduction et point de la semaine.

Pour commencer, revenons sur la conférence de presse qui, dans le monde hospitalier, a quelque peu surpris, surtout en ce qui concerne la comparaison avec la première vague. La situation est très tendue, tous les soignants sont épuisés, les hôpitaux travaillent d’arrache-pied. 5 à 10% des traitements et opérations programmés, quelque fois 15% dans certaines régions, sont ajournés. Concernant le type de patients comme le type de soins nécessaires, aucune comparaison n’est possible avec la première vague, pendant laquelle 80% des soins programmés ont été annulés.

Quand la limite de 800 patients Covid en réanimation est atteinte, quand on y ajoute les soins de réanimation réguliers et les urgences, le maximum de la capacité totale est dépassé. Pour être clair, il n’y a plus de marge de manœuvre.

Ce n’est pas simple à gérer mais pour l’instant, même si la situation est critique, elle n’est pas celle d’un plan noir. Ajouter des lits physiques ne créera pas de soignants. Un réanimateur (interniste ou anesthésiste), c’est bac + 15, un(e) infirmier(ère) de réanimation c’est un 1 an de spécialisation après le diplôme. L’impression actuelle est de jouer en permanence à l’équilibriste qui a un gros coup de fatigue.

Quant au nombre de lits de réanimation nécessaires en temps normal, c’est comme les lits d’hospitalisation, il y en a de moins en moins besoin. Les techniques chirurgicales, l’anesthésie, les traitements médicaux ont progressé à grande vitesse ces derniers temps, entrainant leur réduction. Les soins Covid en réanimation et dans les services mobilisent aussi plus de personnel par patient que normalement. La combinaison de ces deux facteurs rend la situation complexe et il n’y a pas de solution toute prête.

Par ailleurs les soignants voient dans l’ensemble d’un mauvais œil les ambitions d’assouplissement des mesures. C’est trop tôt. Quand tous les plus de 60 ans et tout le personnel hospitalier seront vaccinés, et quand les chiffres baisseront de manière constante et conséquente, alors nous pourrons envisager l’avenir autrement, sous réserve que les variants comme le brésilien n’imposent pas de nouvelles règles du jeu en prenant le dessus.

www.nu.nl/coronavirus/6127617/hogere-besmettelijkheid-en-andere-zorgen-over-de-braziliaanse-virusvariant.amp

Revenons sur un sujet qui a engendré de nombreux commentaires : se faire vacciner en France (ou ailleurs) et le problème de l’enregistrement de la vaccination dans la base de données néerlandaise. Le « certificat vert numérique », « passeport corona », « corona pass », devrait voir le jour à l’essai début juin et devenir réalité à la fin de ce même mois.

https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_21_1181

Le RIVM campe sur ses positions et n’enregistre à ce jour, avec accord de la personne, que les vaccinations pratiquées sur le territoire néerlandais sur la base du Numéro d’Identification Personnel (BSN, Burger Service Nummer), sans nier qu’il y a depuis le 14 avril un plan au niveau du Ministère de la Santé (VWS) pour changer les pratiques. Actuellement, après avoir été vacciné et avoir donné l’autorisation de transmettre ses données, dans les 2 semaines, le relevé personnel de vaccination accessible par DigiD indique les dates et lots administrés (https://www.rivm.nl/mijnrivm-vaccinaties). Ceci n’est pas encore un certificat de vaccination mais laisser enregistrer sa vaccination facilitera grandement les choses.

Cependant, deux problèmes se posent avec l’arrivée de ce passeport corona : l’afflux de demandes d’enregistrement de vaccinations effectuées à l’étranger (particulièrement en Serbie) d’un côté et de l’autre les personnes vaccinées sur le territoire néerlandais qui refusent que leurs données soit enregistrées dans la base de données du RIVM.

Pour les personnes qui ont été vaccinées mais qui n’ont pas donné la permission d’enregistrer leurs données dans la base de données centrale ou qui ne sont pas enregistrées dans l’un des systèmes sources pour toute autre raison (vaccination à l’étranger), des options sont en cours d’élaboration.

Le Ministre de la Santé Hugo De Jonge en informera la Chambre des Députés (Tweede Kamer) ultérieurement.

Si tout se passe comme prévu, il devrait être possible pour tous de demander le statut vaccinal via l’application CoronaCheck en juin et d’être prêt pour le « certificat vert numérique » à temps.

En ce qui concerne les vaccins, nous vous avions informé que celui d’Astra-Zeneca est à présent administré uniquement aux personnes de plus de 60 ans. Cependant, certains médecins généralistes (huisarts) ont décidé de vacciner tous ceux qui le souhaitaient même en dessous du seuil de 60 ans pour éviter de jeter des vaccins. Après la décision du Conseil Scientifique (Gezondheidsraad) un groupe de médecins généralistes considère que le reste de la population sera à risque en ne vaccinant que les plus de 60 ans et ont écrit une motion de censure. Le comité recommande que la décision de vacciner un patient se fasse au cas par cas après discussion entre le médecin et le patient.
https://nos.nl/artikel/2376328-astra-advies-gezondheidsraad-leidt-tot-extra-gezondheidsschade.html

Enfin, beaucoup espéraient qu’après la débâcle du vaccin Astra-Zeneca le vaccin de Johnson&Johnson serait la panacée.

Malheureusement, il semblerait que ce vaccin pourrait également être la cause de thromboses (encore une fois avec une très faible probabilité) et son utilisation vient d’être interrompue aux États-Unis.

Les Pays-Bas ont décidé de ne pas l’utiliser (bien que fabriqué à Leiden) tant que l’agence européenne du médicament n’aura pas donné son feu vert. Les Pays-Bas avaient plus de 11 millions de doses de ce vaccin et 80000 doses sont déjà prêtes et devaient être utilisées pour le personnel de santé encore non vacciné et les personnes vivant dans de petites structures psychiatriques.

L’Agence Européenne du Médicament (EMA) devrait rendre son rapport sur la sureté et ses recommandations la semaine prochaine. Nous vous tiendrons bien évidemment au courant. Pour finir sur une touche plus positive, Pfizer a annoncé la livraison de 2 millions de doses plus rapidement que prévu. Ce qui pourrait contre-balancer les restrictions de vaccination avec Astra-Zeneca et potentiellement Johnson&Johnson.

Concernant la campagne de vaccination, il y a eu respectivement en France et aux Pays-Bas, au 16 avril 11.982.970 et 3.417.011 premières injections. Pour les Pays-Bas, il s’agit d’une estimation. La complexité de la registration décentralisée puis centralisée entraîne 2 semaines de décalage. Des bases de données comme « ourworldindata » ne prennent en compte que les chiffres confirmés, ce qui explique l’impression de retard dans la vaccination aux Pays-Bas. Les Pays-Bas sont légèrement en avance sur la France.

Le calendrier vaccinal a changé. Voici les dernières estimations, sous réserve de l’évolution de la situation (Arrêt, limitation ou non du Janssen, livraison avancée du Pfizer, etc…)

• Début avril : tous les soignants / employés des maisons de retraite médicalisées, des soignants s’occupant de soins directs aux patients Covid et les médecins généralistes sont tous vaccinés, ainsi que la plupart des résidents des maisons de retraite médicalisées et des personnes ayant une déficience intellectuelle en établissement ont été vaccinés.

• Début mai : les personnes âgées de 70 ans et plus auront toutes reçu la première injection.

• Seconde quinzaine de mai : première injection pour toutes les personnes à haut risque médical et pour les plus de 60 ans.

• Mi-juin : première injection pour toutes les personnes ayant une indication médicale et toutes les personnes de plus de 50 ans.

• Seconde quinzaine de juin : toute personne de plus de 40 ans a eu la première vaccination.

• Début juillet : le but est que tous les adultes qui le souhaitent aient au moins une injection.

  • Susceptibilité animale au SARS-Cov2, pourquoi c‘est important ?

Comme les autres coronavirus, on pense que le SARS-CoV-2 a été transmis à l’homme par des animaux sauvages. Coupons court tout de suite aux débats sur l’origine du virus, il est possible mais hautement improbable que ce virus ait été fabriqué par l’homme, et qu’il soit donc le résultat d’une expérience scientifique qui aurait sciemment ou accidentellement franchie les portes d’un laboratoire P3 ou P4 (plus haut niveau de danger biologique, donc sécurité maximale). Grâce à la bio-informatique (je vous reparlerai peut-être un jour de tout ce que mon domaine scientifique a permis de comprendre sur ce virus), l’étude comparée de génomes de coronavirus révèle avec une certitude maximale que SARS-Cov2 trouve son origine lointaine chez le Rhinolophe [1] (chauve-souris « fer à cheval »). Dans une étude publiée en Juillet 2020 [2], des scientifiques ont montré que le coronavirus le plus proche du coronavirus séquencé à Wuhan et qui fait office de référence chez l’homme avait été identifié chez cette chauve-souris de la province de Yunnan (~1500 km de Wuhan). La distance géographique importante entre les provinces de Yunnan et de Hubei (Wuhan) ainsi que la similarité, très forte mais pas parfaite (identique à ~96%), entre les séquences génomiques des coronavirus humain et du Rhinolophe de Yunnan ont alimenté, sans aucune preuve matérielle, des théories aussi farfelues que dangereuses [3]. Certes, nous n’avons pas encore identifié l’espèce de chauve-souris ou l’animal intermédiaire (qui n’est pas le pangolin) a l’origine de cette zoonose (passage d’une maladie de l’animal à l’homme, ou vice-versa), mais la probabilité est faible que nous puissions un jour la découvrir car ce mammifère compte plus de 1400 espèces distinctes (et beaucoup n’ont certainement pas encore été découvertes) et qu’il est le premier réservoir animal des coronavirus (on estime à plus de 3200 le nombre de coronavirus différents qui peuvent infecter les chauves-souris).

Les scientifiques surveillent les animaux domestiques, le bétail et la faune sauvage afin de déterminer où le SARS-CoV-2 pourrait se cacher, muter et peut-être réapparaître chez l’homme, même après la fin de la pandémie. Les animaux sauvages ne sont pas les seuls à être sous surveillance. En effet, des études ont montré que le SRAS-CoV-2 peut infecter de nombreuses créatures domestiques et captives, des chats aux chiens en passant par les pumas, gorilles et les léopards des neiges dans les zoos, sans oublier les visons d’élevage qui ont fait la une aux Pays-Bas, il y a quelques mois.

En effet, dans ces élevages « industriels », les visons sont entassés dans des abris clos, renforçant le risque d’infection entre animaux mais aussi des animaux à l’homme. Bien que ces cas aient suscité des inquiétudes (possible origine de variants), et d’émotion lors de l’abattage d’un million de ces animaux aux Pays-Bas, l’apparition du virus chez les animaux sauvages est potentiellement plus menaçante car impossible à contenir avec mise en quarantaine, vaccination et abattage.

En théorie, le virus pourrait évoluer au fur et à mesure qu’il circule parmi les animaux – peut-être de manière à menacer l’efficacité des vaccins ou à rendre l’agent pathogène plus mortel et infectieux pour l’homme. En un an, les scientifiques ont recueilli autant de données sur la sensibilité des différentes espèces au SRAS-CoV-2 que celles accumulées au cours des 50 dernières années pour la grippe [4]. Cela permet d’accélérer la science et en particulier les travaux de modélisation. Les scientifiques utilisent des modèles mathématiques et informatiques pour étudier aux niveaux moléculaire, cellulaire et populations animales, les espèces les plus vulnérables à l’infection par le SARS-Cov2. Par exemple, un ami a contribué au développement d’un modèle qui combine la modélisation structurale de la protéine ACE2, récepteur cible du virus exprimé par certaines cellules, avec l’apprentissage automatique des caractéristiques des espèces pour prédire la capacité zoonotique du SARS-Cov2 chez 5400 mammifères ! Leurs prédictions, fortement corroborées par des études complémentaires in vivo, doivent permettre d’identifier les espèces prioritaires pour la surveillance dans les points chauds mondiaux du COVID-19 [5]

Le premier animal étudié pour sa susceptibilité au SARS-Cov2 (souche humaine) a été le cochon. Leur nombre (près de 300 millions en Chine), leur proximité avec les humains, leur sensibilité aux coronavirus (en 2018 un nouveau coronavirus de chauve-souris avait tué quelque 25 000 porcs dans le sud de la Chine), leur capacité à incuber d’autres virus comme celui de la grippe, tout laissait à penser que cet animal représentait un risque majeur. Heureusement, SARS-Cov2 se réplique très mal chez cet animal [6].

Les scientifiques se sont ensuite intéressés aux chauves-souris, qui là encore heureusement se sont montrées moins susceptibles que craint au premier abord, à part pour quelques espèces frugivores rarement en contact avec les humains. Le risque est donc très faible de voir la souche virale humaine se transmettre à la chauve-souris, bien que cet animal soit à l’origine de cette épidémie. Les chercheurs ont commencé à s’intéresser à d’autres animaux génétiquement proches de l’homme, vivant en contact étroit avec lui ou constituant des sources connues d’autres épidémies virales.

Très vite, les expériences en laboratoire ont permis d’écarter une horde d’hôtes potentiels allant des campagnols aux ratons laveurs, ainsi que les principaux animaux d’élevage comme les vaches, les canards et les poulets, qui semblent tous résistants à l’infection. En revanche, les expériences ont aussi révélé de nombreux animaux qui peuvent héberger le virus et le transmettre, comme les furets, les chats, les chiens, les cerfs et plusieurs espèces de primates non humains. Les animaux infectés qui sont sociables – vivant en troupeau et/ou avec des humains – présentent un risque plus élevé que les animaux solitaires. Pourtant, même lorsque les animaux sont en contact très étroit avec les humains, la barrière à l’infection naturelle peut être élevée. Par exemple, les chats sont facilement infectés et sont contagieux pour les autres chats dans les expériences menées en laboratoire. Ils ne sont pas très malades, ce qui signifie que la détection de l’infection est délicate, et se remettent rapidement de l’infection, ce qui signifie qu’ils ne sont probablement pas infectieux longtemps. C’est probablement la raison pour laquelle aucun chat n’a été signalé comme ayant transmis l’infection à des personnes dans un cadre naturel.

Seul un cas animal est aujourd’hui inquiétant, celui des visons que j’ai brièvement abordé plus haut (voir figure ci-dessous qui reporte les épidémies recensées chez les animaux, mink = vison). À la fin de l’année 2020, le SARS-Cov2 avait atteint 70 élevages néerlandais, ainsi que des élevages dans une douzaine d’autres pays, dont le Danemark, la Grèce, le Canada, la France, l’Espagne et les États-Unis. En se multipliant dans les hôtes infectés, le virus mute légèrement, laissant dans son génome des indices de ses « voyages » passés. En séquençant ces génomes et en retraçant les interactions entre les personnes et les animaux infectés, des chercheurs néerlandais ont confirmé à la mi-2020 que deux ouvriers agricoles avaient attrapé le COVID-19 par le biais du vison [7] – la première preuve que les animaux pouvaient transmettre le virus à l’homme. À ce jour, au moins 60 personnes sont soupçonnées d’avoir attrapé le virus par le vison. De plus, une douzaine de visons – capturés dans la nature mais probablement échappés d’élevages en proie à des épidémies actives – ont été testés positifs à l’ARN viral ou aux anticorps du SARS-Cov2 aux États-Unis et aux Pays-Bas. C’est le premier signe d’un risque que l’épidémie puisse passer entre les mailles du filet et s’installer durablement chez des animaux sauvages. De plus, les nouveaux variants qui circulent chez l’homme pourraient influencer la façon dont il affecte les animaux, ce qui commence seulement à être étudié. Tous les nouveaux variants contiennent une mutation qui peut rendre le virus infectieux pour les souris de laboratoire, qui étaient pourtant jusqu’alors résistantes aux souches précédentes. La propagation mondiale des nouveaux variants accroît la possibilité que les souris domestiques, et peut-être aussi les rats, contractent l’infection à partir de l’homme et d’environnements contaminés tels que les égouts [4]. Il est donc aujourd’hui impossible d’exclure qu’il n’y aura pas d’autres surprises comme le vison.

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[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Rhinolophe

[2] Boni, M.F. et al. “Evolutionary origins of the SARS-CoV-2 sarbecovirus lineage responsible for the COVID-19 pandemic”. Nat Microbiol 5, 1408–1417 (2020). https://doi.org/10.1038/s41564-020-0771-4

[3] Rasmussen, A.L. “On the origins of SARS-CoV-2”. Nat Med 27, 9 (2021).

https://doi.org/10.1038/s41591-020-01205-5

[4] Mallapaty S. “The search for animals harbouring coronavirus — and why it matters”. Nature 591, 26-28 (2021). https://doi.org/10.1038/d41586-021-00531-z

[5] Fischhoff I.R. et al. “Predicting the zoonotic capacity of mammal species for SARS-CoV-2”. bioRxiv 2021.02.18.431844; https://doi.org/10.1101/2021.02.18.431844

[6] Shi, J. et al. Science 368, 1016–1020 (2020). https://doi.org/10.1126%2Fscience.abb7015

[7] Oude Munnink, B. B. et al. Science 371, 172–177 (2021). https://doi.org/10.1126%2Fscience.abe5901

« Ça me fait quelque chose quand les jours s’allongent, que la lumière grandit et que le soleil se couche de plus en plus à l’ouest, au-dessus des collines, comme s’il allait faire le tour complet de l’horizon. »

Printemps et autres saisons, J.M.G Le Clézio – 1989.

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