MAITRE-FRANCOIS-ROUX

Maître ROUX, spécialiste du droit de la Défense dans les juridictions pénales internationales a donné, pour l’Amitié-Club de La Haye, une conférence exceptionnelle le lundi 25 janvier 2016 sur le thème : « Comment défendre devant ces juridictions internationales ? ». Plusieurs membres de notre association ont assisté à la conférence, et nous publions ici, avec l’autorisation de Maître ROUX, l’enregistrement audio complet ainsi qu’une synthèse de son intervention. C’est un document très utile non seulement pour comprendre l’évolution récente du droit pénal international, mais aussi pour mieux prendre conscience du rôle éminent de La Haye et des Pays-Bas, comme environnement hôte, dans le monde de la justice et de la paix.

=> Ecouter la conférence (fichier audio – 55 minutes)

Introduction : la naissance de la justice et des juridictions pénales internationales

La Cour Internationale de Justice (CIJ) qui siège au Palais de la paix à La Haye s’occupe des conflits entre les états ; par son existence même, et en dehors des procédures de jugement, elle a permis de prévenir en amont un certain nombre de conflits en faisant appel au droit.
Lorsque des conflits néanmoins apparaissent, les auteurs des crimes eux ne peuvent pas être jugé sà la CIJ. C’est pourquoi les états ont décidé la création de juridictions pénales internationales dont le but est de poursuivre et de juger les personnes soupçonnes des crimes les plus graves. Le premier tribunal pénal international crée est celui pour l’ex-Yougoslavie à La Haye, puis sur le même modèle celui pour le Rwanda basé en Tanzanie. Le projet d’une cour pénale internationale permanente se fait jour en 1998 avec le traité de Rome qui créé en 2002 la Cour Pénale Internationale (CPI) à la Haye (nouveaux locaux à Scheveningen). En parallèle seront créés dans les années 2000 d’autres juridictions spéciales telles que le tribunal pour la Sierra Leone, celui pour le Cambodge (Khmers rouges), puis celui pour le Liban suite à l’assassinat du premier ministre Hariri (crime de terrorisme) à Leidschendam près de La Haye.
La communauté internationale à travers les Nations Unies a donc agi pour mettre un terme à l’impunité dont pouvait bénéficier les auteurs de crimes. Nous en sommes encore qu’au début de la justice pénale internationale.

Comment défendre devant ces juridictions internationales ?

L’idée de mettre un terme à l’impunité – à l’origine de la création de la justice pénale internationale – doit progressivement laisser sa place aux fondements de la justice et de ses grands principes fondateurs. Dans cet objectif à long terme, on peut distinguer 3 grand défis :

1. Défendre des personnes à priori indéfendables

Lorsqu’une personne est poursuivie ou accusée, il est fondamental d’entendre la voix de la défense, c’est-à-dire celle de l’accusé ou de son avocat.
Au-delà des dossiers, les accusés sont avant tout des personnes, avec leur part d’humanité (ombres et lumières) dont nous partageons tous quelque chose (voire une ressemblance). C’est cette part d’humanité qui existe en fait noir sur blanc dans chacun des dossiers, qu’il s’agit de mettre en lumière, de mettre en couleur ou de réanimer, et c’est en partie le travail de l’avocat.

2. Institutionnaliser la place et les moyens de la Défense dans la procédure pénale internationale

L’idée de mettre un terme à l’impunité – à l’origine de la création de la justice pénale internationale – doit progressivement laisser sa place à l’idée même de la justice et de ses grands principes fondateurs : présidence, procureur, bureau de la défense, greffier.
“Les droits de l’Homme sont, par nature, un droit des victimes, mais c’est dans la défense des accusés, fussent-ils coupables, qu’ils trouvent leur application la plus élevée” (François ZIMMERAY, avocat et ancien Ambassadeur de France pour les droits de l’Homme).
Le tribunal spécial pour le Liban a permis des avancées dans deux domaines de la procédure pénale internationale :
La création du bureau de la Défense – comme voix autonome et organe indépendant, 4ème pilier de la Justice aux côtés de la présidence (juge), du procureur et du greffier – qui organise administrativement et officiellement toute la défense (et qui va faire appel à des avocats)
La possibilité d’un procès en l’absence des accusés (les accusés n’ont pas pu être arrêtés)

3. Créer le droit pénal international de demain en conciliant les meilleures pratiques

Actuellement l’influence du droit anglo-saxon est prédominante dans la procédure pénale internationale. Le principe est que le procès est mené par les partie et le président est un arbitre ; tout doit être discuté, ce qui peut être long et fastidieux. Il devient nécessaire de faire évoluer la procédure pénale internationale en conciliant le meilleur des deux conceptions du droit, anglo-saxonne (accusatoire) et romaine (inquisitoire), afin de la rendre moins longue, moins lourde et moins coûteuse ; il faut créer les condition d’un « unité, harmonie des différences » en mixant les systèmes existants et faire de la justice pénale internationale l’outil de paix qu’elle doit devenir.