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Marie-Christine KOK ESCALLE, co-organisatrice de ces rencontres internationnales.

Programme détaillé et inscriptions …

Les historiens ont beaucoup publié sur les politiques linguistiques (et
incidemment culturelles) suivies par les autorités royales ou étatiques
européennes à l’intérieur des territoires qu’elles contrôlaient. C’est patent
pour la France, mais aussi pour le Royaume-Uni, l’Espagne ou
l’Allemagne. Ils ont beaucoup moins étudié les politiques linguistiques et
culturelles à destination des territoires ou pays extérieurs à leurs
frontières, et échappant à leur contrôle. Il s’ensuit que ces politiques,
qu’elles soient d’ordre linguistique (diffusion de la langue royale ou
nationale hors de son aire d’usage contrôlé) ou d’ordre culturel (diffusion
des croyances et valeurs, des arts, des mœurs et des modes
vestimentaires ou de politesse), actives aussi hors des frontières
européennes, sont loin d’être toujours officiellement proclamées pour être
plus ou moins secrètement menées. D’où des sources historiographiques
plus difficiles à découvrir et à analyser.

Les débats porteront sur la période allant des traités d’Utrecht (avril
1713) et de Rastadt (mars 1714) au début de la guerre 1914-18 (même
si l’antérieur et le postérieur n’en seront pas exclus).
A partir de quand peut-on parler d’une véritable (institutionnalisée par des
textes, des organismes ad hoc…) « politique extérieure d’ordre linguistique
et culturel » ?
Dans quelle mesure le « rayonnement » (ou ‘soft power’) d’une langue et
d’une culture en relève-t-elle ?
Quels sont les préalables requis par des politiques institutionnalisées de
cet ordre, et quels sont leurs objectifs (religieux, idéologiques,
commerciaux, politiques, guerriers…) ?
Plusieurs types devraient donc être distingués dans ces politiques
(linguistiques et culturelles) extérieures.
1. Les politiques qui s’appuient sur des institutions non strictement
étatiques qui sont à même de diffuser la langue et la culture d’un État,
institutions qui sont souvent soutenues voire subventionnées par cet État.
Par exemple, pour ce qui est de la France, en particulier au XIXe siècle,
l’aide étatique apportée aux missions catholiques hors de France (en
particulier au Moyen-Orient) ou, dans la seconde moitié du même siècle, à
l’Alliance israélite universelle, puis l’Alliance française ou à la Mission
laïque. Ce type de politique a été déjà beaucoup étudié pour ce qui est de
la France, même s’il reste encore beaucoup à faire. Qu’en est-il de celles
de la Grande-Bretagne ou de l’Allemagne au XIXe siècle ? Quel « génie
italien », alors que l’Italie n’existait pas encore politiquement, est à même
d’expliquer le rayonnement de la culture (y compris la langue) italienne en
France, en Angleterre ou dans les Allemagnes et quel « génie anglais » est
à l’oeuvre dans l’anglomanie française du XVIIIe siècle ?
2. Les politiques linguistiques et culturelles menées dans les colonies de la
première colonisation (XVIe – XVIIIe siècles) et dans celle du XIXe siècle.
Celles que les États européens ont menées dans les pays échappant à leur
contrôle direct, que se soit en Europe ou hors d’Europe (Chine, Japon,
Siam…).
3. Les politiques officieuses (celles qui sont plus ou moins secrètement
menées). Telle celle du tsar Alexandre Ier qui envoie en France, après
1815, divers émissaires non officiels afin d’influencer l’opinion française en
faveur de son pays, ou telle celle de Bismarck, après 1871, pour
l’influencer en faveur de l’Allemagne nouvellement unifiée. Les historiens
du politique se sont intéressés à ce type d’action extérieure, mais ceux de
la didactique des langues et des politiques linguistiques l’ont peu étudiée.
4. Ce « rayonnement » d’une langue et d’une culture au dehors de son
aire d’usage initial peut être aussi la conséquence imprévue et tardive –
car perceptible plusieurs siècles plus tard – de décisions de politique
purement intérieure. L’expulsion des juifs puis des musulmans d’Espagne
au XVIe siècle a propagé des variantes de la langue castillane (dont le
ladino ou judéo-espagnol) dans de nombreux ports de l’empire ottoman,
où elle était jusqu’alors peu pratiquée ; l’expulsion des protestants de
France, du XVIe siècle au XVIIIe siècle, a joué un grand rôle dans
« l’universalisation » du français en Europe, tout comme l’expulsion des
congrégations religieuses catholiques de la France laïque au tout début du
XXe siècle. A quoi, il faut ajouter, du point de vue des publications, les
effets de la censure à l’intérieur de tel ou tel royaume ou État : éditeurs
hollandais, suisses ou anglais pour ce qui est du français ou de la culture
française au XVIIe – XVIIIe siècles, publications en russe ou en diverses
traductions dans les pays de l’ouest de l’Europe à l’époque soviétique.

Enfin, comment les langues et cultures européennes se sont-elles
diffusées en terre missionnaire et quelles interactions ont eu lieu dans les
pays de mission ?

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